30. Les modifications apportées par l’Ordonnance n° 2019-1015 du 2 octobre 2019 réformant la régulation des jeux d'argent et de hasard

À l'occasion du transfert de la majorité du capital de la Française Des Jeux (FDJ) au secteur privé, le Gouvernement a modifié la législation sur les jeux d’argent et de hasard.

 

L’Ordonnance n° 2019-1015 du 2 octobre 2019 réformant la régulation des jeux d'argent et de hasard (ci-après l’ordonnance) poursuit un objectif de lisibilité et de simplification du droit. Celle-ci contient 51 articles que l’on peut résumer comme suit.

 

1.La codification des principes généraux du droit des jeux d’argent et de hasard

 

C’est d’abord une codification dans le code de la sécurité intérieure (CSI) des grands principes du droit des jeux d’argent. La codification consiste ici à regrouper, à consolider et à structurer dans le CSI, des éléments épars de normes juridiques existantes. En effet, le droit antérieur souffrait d’une superposition de textes dont la logique d’ensemble était discutable… Cette ordonnance vient aussi préciser certaines dispositions législatives applicables au secteur.

 

Les articles 1 à 6 de l’ordonnance sont relatifs aux grands principes applicables au secteur des jeux d'argent et de hasard et rentreront en application au 1er janvier 2020. Globalement, ces articles ne modifient pas en profondeur le périmètre des jeux légaux et interdits.

 

En particulier, l'article 2 de l’Ordonnance réaffirme le principe de prohibition des jeux d'argent et de hasard. Il définit la notion générique « de jeux d'argent et de hasard » dans le nouvel article L320-1 CSI.

 

Toutefois, l’article L 320-1 CSI nouveau reprend la définition bien connue de la loterie prohibée figurant anciennement à l’article L322-1 CSI (abrogé au 1er janvier 2020) (pour aller plus loin).

 

L’article 320-2 CSI nouveau précise les dérogations à ce principe de prohibition au travers des jeux relevant de droits exclusifs (FDJ), d’autorisation (casinos) et d’agréments (jeux en ligne).

 

Les articles 320-3 CSI et 320-4 nouveaux confirment les objectifs de la politique de l'État dans le secteur ainsi que les objectifs des opérateurs de jeux d’argent et de hasard.

 

L’article L.320-5 CSI nouveau établit une nouvelle distinction entre jeux d'argent et de hasard en ligne et en réseau physique de distribution.

 

L’article L.320-6 donne la liste quasi exhaustive des jeux d'argent et de hasard qui peuvent être autorisés en droit français.

 

Les articles L320-7 et 320-8 CSI nouveau confirme l'interdiction des jeux d’argent aux mineurs. Au titre des nouveautés, l'ordonnance interdit aussi l'offre à titre gratuit de jeux d'argent et de hasard aux mineurs même dans le cadre des exceptions légales (Art. L. 320-8 CSI nouveau). Deux exceptions à cette interdiction sont précisées. L’une était déjà connue à savoir la possibilité de participer à des jeux dans les fêtes foraines, des jeux caritatifs et des lotos traditionnels. La seconde est une précision bien venue, à savoir la possibilité pour les mineurs de participer aux loteries publicitaires régies par le Code de la consommation.

 

2 Le renforcement des sanctions pénales

 

Cette ordonnance enrichit les dispositions pénales applicables en la matière au travers d’infractions nouvelles.

 

Anciennement, le CSI distinguait les sanctions pénales applicables aux casinos et aux loteries.

 

Désormais, le chapitre IV consacré aux sanctions pénales contient :

  • une section 1 sur les dispositions communes relatives aux jeux d'argent et de hasard (Articles L324-1 à L324-7) et à la communication commerciale (Articles L324-8 à L324-9),
  • une section 2 relative aux casinos (Article L324-10),
  • une section 3 des dispositions pénales concernant les opérateurs sous droits exclusifs (Article L324-11),
  • en enfin en section 4 les dispositions concernant la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (Article L324-12).

D’une manière générale, les articles L324-1 CSI et suivants renforcent les sanctions administratives et pénales existantes. Ces articles contiennent des infractions nouvelles.

 

Concernant les dispositions communes à l’ensemble des jeux de hasard et d’argent, une nouvelle infraction concerne le fait de permettre à un interdit de jeux de participer à un jeu d’argent ainsi que de lui adresser une publicité (amende 10 000 € art. 324-5 CSI nouveau).

 

Autre nouveauté, Il est aussi puni d'une amende de 100 000 euros le fait, pour un opérateur de jeux d'argent d'établir un nouveau point de vente exploitant un poste d'enregistrement de jeux de loterie ou de jeux de paris sportifs près d’une enceinte scolaire dans un périmètre déterminé par l’administration ainsi que de permettre un accès direct aux dispositifs de jeu sans intermédiation humaine à un joueur dont l'identité et la date de naissance n'ont pas été préalablement vérifiées (amende 100 000 € art.L324-6 CSI  nouveau) .

 

Concernant le non-respect des obligations relatives aux communications commerciales, à savoir le message de mise en garde obligatoire, l’interdiction de la publicité à destination des mineurs, l’interdiction de la publicité autour des établissements scolaires (L. 320-12 et L. 320-14 CSI nouveau) est maintenant puni d'une amende de 100 000 euros (art. L324-8-1 CSI nouveau).

 

L’article L 324-8 CSI nouveau interdit le jeu à crédit. Cette interdiction figurait déjà à l’article 30 de LOI n° 2010-476 du 12 mai 2010. Cette interdiction est maintenant punie de 150 000 euros d'amende. La publicité dans ce domaine est punie de 75 000 € d’amende (Article L324-8 CSI nouveau).

 

L’article L 322-12 nouveau interdit expressément l’exploitation commerciale sous quelque manière que ce soit des jeux et des résultats de la FDJ sans l’autorisation de cette dernière. Toute atteinte à ce monopole est punie de 7 ans d’emprisonnement et 500 000 € d’amende (art. L324-11 CSI nouveau). Le réseau de distribution de la FDJ est donc protégé.

 

3 Les conséquences de la privatisation de la FDJ et de la régulation du secteur des jeux d’argent par l’ANJ

 

Les autres éléments nouveaux résident principalement dans les conséquences de la privatisation de la FDJ. Ces modifications n’impactent pas directement le périmètre des jeux d’argents légaux et illégaux en droit français.

 

Mais l’organisation et le contrôle par l’État du secteur des jeux d’argent légaux s’en trouvent modifié. Les articles 7 à 9 de l’ordonnance définissent les jeux, catégories de jeux et gammes de jeux sous droits exclusifs confiés à La Française des jeux (FDJ), à savoir les jeux de répartition et de contrepartie, les jeux de tirage, et les jeux instantanés, que ce soit en réseau physique ou en ligne (art. L322-8 et suivants CSI nouveau). Il existe un débat sur la définition et la limitation des jeux accessibles sur les bornes placées par la FDJ dans son réseau physique de distribution. À l'heure actuelle, les casinos craignent une concurrence accrue de la FDJ.

 

Pour aller plus loin sur le cadre général des jeux d'argent et de hasard, consultez notre article publié ici. 

 

 

Pascal Reynaud

reynaud.avocat@gmail.com