Mise à jour 27 08 2020
Pour vos questions, merci de me contacter en priorité par email : reynaud.avocat@gmail.com
Le développement des distributeurs numériques (Amazon, Apple…), des e-books, des tablettes de lecture, et la numérisation des fonds des bibliothèques entraînent une rapide adaptation du contrat d'édition.
La législation sur le contrat d'édition concerne avant tout à l'édition d'ouvrages, c'est-à-dire à l'édition "de librairie" (articles L132-1 à L132-17 Code de la propriété intellectuelle ou CPI ).
Mais la définition du contrat d‘édition est suffisamment large pour admettre son application à toutes catégories d'œuvres, par exemple la musique, le design industriel, les œuvres audiovisuelles.
Afin de s'adapter aux nouveaux usages, la définition du contrat d'édition comprend maintenant le numérique :
Article L132-1 CPI nouveau : Le contrat d'édition est le contrat par lequel l'auteur d'une oeuvre de l'esprit ou ses ayants droit cèdent à des conditions déterminées à une personne appelée éditeur le droit de fabriquer ou de faire fabriquer en nombre des exemplaires de l'oeuvre ou de la réaliser ou faire réaliser sous une forme numérique, à charge pour elle d'en assurer la publication et la diffusion.
Cette contribution entend proposer un tour d’horizon des questions traditionnelles qui se posent en matière de contrats d'édition numérique (I), pour aborder ensuite la nouvelle législation issue de l'ordonnance du 12 novembre 2014 qui modifie le CPI (II).
Deux questions se posent fréquemment lorsqu'un ouvrage prévu initialement pour l’imprimerie traditionnelle retrouve une nouvelle vie pour le numérique :
En principe, les cessions s’interprètent en faveur de l’auteur et de manière restrictive. Les exploitations non précisées au contrat restent la propriété de l’auteur. (La question des livres indisponibles et des œuvres orphelines est traitée spécifiquement sur le blog ici).
Voici trois hypothèses que l’on peut rencontrer en pratique :
- L'absence de cession (1.1.1),
- Une clause pour les modes d'exploitation non prévus et imprévisibles (1.1.2),
- Des dispositions sur le numérique sont prévues (1.1.3.).
Certains accords n’entraînent aucune cession des droits pour l’exploitation numérique, car ils ne contiennent aucune disposition spécifique à ce sujet. Par exemple, si un contrat est muet en matière de numérisation et d’exploitation en ligne, mais traite seulement de l’édition de librairie traditionnelle, il ne contient aucune cession des droits numériques.
De même, si la cession des droits numériques n’est pas explicite, mais fait allusion de manière globale à « tout support présent ou à venir », l’auteur reste alors titulaire de ses droits numériques. Enfin, si un contrat contient une clause du type cession « tout droit compris », on aboutira au même résultat.
Ainsi, dans une affaire concernant une clause de cession de droit d’auteur "globale" dans un contrat de travail d'un photographe salarié de l’AFP (Agence France-Presse), le photographe contestait celle-ci au moment où l’AFP désirait commencer l’exploitation numérique de son travail. La cour d’appel de Paris (Paris, 22e ch., 9 juin 2009) a estimé que cette clause avait une portée générale. Le mode d’exploitation « numérique » aurait dû être cité. Elle a dès lors condamné l’exploitation numérique des photos sans l’aval de son auteur. Ce qui vaut pour un contrat de travail vaut a fortiori pour un contrat d'édition.
La Cour de cassation a rappelé dans un arrêt du 30 janvier 2014 la nécessité de prévoir l'exploitation numérique dans le contrat pour exploiter sur internet des articles de presse (3e moyen).
Pour les contrats d'édition, un écrit comprenant le détail de la cession est exigé (L. 131-3 CPI). Le nouvel article L. 131-2 al. 2 CPI prévoit désormais l'obligation d'un écrit "pour tous les contrats par lesquels sont transmis des droits d'auteur". La question de savoir si une simple licence de droit d'auteur doit nécessairement être écrite est pour l'instant ouverte. Bien sûr, en pratique, l'écrit est recommandé en toutes hypothèses.
Mais il faut noter une tendance de la jurisprudence à accepter l'existence de cessions ne respectant pas les conditions de l'article L.131-3 CPI al. 1er, à savoir l'exigence d'une description concrète de la cession.
Les juges analysent le contrat de travail, le contrat de commande, le bon de commande et la facture afin d'y découvrir la portée réelle de la clause de cession.
Ils recherchent alors la commune intention des parties et l'objet du contrat pour découvrir la portée réelle de la cession ou de la licence ( cf. Cass. 1re civ., 30 mai 2012, n° 10-17.780, SARL Corbis Sygma c/ A.; CA Paris, 10 mars 2016 RG 15/00318, PI juillet 2016 n°60 p.323).
Toutefois, la commande d'une oeuvre même assortie d'un devis accepté et d'un paiement ne peut être assimilée à une cession de droits si l'auteur a marqué des réserves lors des négociations, ce qui empêche les parties d'avoir conclu un véritable contrat portant sur la cession des droits (Cass. 1re civ., 4 oct. 2017, n° 16-10.411).
La prise en compte d'une cession tacite tirée du contexte peut sembler un principe de bon sens. C'est aussi un facteur d’insécurité juridique pour l’auteur. Ce dernier ne peut pas s’appuyer sur la lettre du contrat, mais doit prendre en compte son esprit ou son objet, s'il souhaite porter l'affaire en justice en cas de clause ne respectant pas l'article L.131-3 al.1er CPI.
Afin de contourner les règles spécifiques au contrat d'édition, un contractant pourra tenter de mettre en place une cession ou une licence pure et simple. Le CPI distingue ces deux hypothèses en faisant du contrat d'édition un contrat "spécial" (art.132-1 CPI et suivants), à côté de dispositions applicables aux contrats d'auteur en général (art.131-1 et suivants.).
Toute exploitation d'une oeuvre sur les réseaux ne donne pas forcément lieu à un contrat d'édition. On songe par exemple aux commandes dites accessoires au contrat d'édition (illustration, photo...), aux exploitations autorisées dans les contrats de travail, aux contrats entre cessionnaires et sous-cessionnaires. Le législateur ayant augmenté les contraintes juridiques pesant sur les éditeurs concernant le numérique, la tentation est forte de sortir de ce cadre contraignant du contrat d'édition stricto sensu.
On peut estimer qu'une cession ne comportant aucune obligation d'exploitation à la charge du cessionnaire n'est pas un contrat d'édition (voir Lucas Traité PLA, 4e éd. p.624 n°716). Si le contrat prévoit une "exclusivité" au profit du cessionnaire, c'est un élément sérieux à prendre en compte pour appliquer les dispositions relatives au contrat d'édition. Mais la discussion à ce sujet est loin d'être clause.
Par exemple, pour des illustrations accessoires à l'édition d'un livre déjà écrit qui ne pouvait être une oeuvre de collaboration, la Cour de cassation a estimé qu'il ne s'agissait pas d'un contrat d'édition, mais d'un simple contrat de louage d'ouvrage assorti d'une clause de cession. Dès lors le formalisme protecteur du contrat d'édition ne s'appliquait pas, la preuve de la cession pouvant être rapportée sur le fondement des articles 1341 à 1448 du Code civil. (Cass. civ. 1er ch., 2 juillet 2014, n°13.24356).
En pratique, il faut que l'auteur surveille le contenu des bons de commande, des devis acceptés et des factures pour éviter les cessions non véritablement consenties pour ces travaux dits "accessoires".
De plus, l’auteur n'est pas totalement libre lorsque le numérique n'est pas compris dans le contrat.
Sur la base de la garantie d'éviction donnée par l’auteur (CPI art. L.132-8), l’éditeur pourrait soutenir qu’une exploitation sur internet par l'auteur, notamment à un très bas prix, entraine une gêne commerciale et donc un préjudice qu’il convient de réparer. Un juge pourrait éventuellement lui donner raison et engager la responsabilité de l’auteur.
Par exemple, selon P.Y. Gautier : « l’auteur ne pourra mettre en ligne une œuvre déjà cédée à son éditeur, alors même qu’il aurait conservé ses droits numériques : le risque de concurrence est trop élevé et ne peut céder qu’avec une autorisation expresse ». (Propriété littéraire et artistique, 7e éd. refondue, PUF 2010, n°568, p. 614 ; voir aussi, mais moins clairement M. Vivant, JM Bruguière, droit d’auteur, 1er éd. Dalloz n°736).
Dans ce cas, le contrat vise une cession « pour des modes d’exploitation non prévisibles ou non prévus » pour l'inclure dans la cession.
Concerne-t-elle le numérique ?
Cette clause est validée par le Code de la propriété intellectuelle (CPI, art. L 131-6) et ne rend pas nécessaire la rédaction d’un nouveau contrat d’édition.
Mais plusieurs questions restent à trancher pour appliquer cette clause au numérique:
- Les modes d’exploitation doivent en principe avoir été inconnus pour les deux parties lors de la conclusion du contrat. A défaut, une telle clause permettrait de contourner les articles L. 122-7, alinéa 4, et L. 131-3, alinéa 1er, du CPI qui exigent une délimitation précise de la portée de la cession en fonction notamment des modes d’exploitation. Sinon il suffirait de placer une telle clause dans chaque contrat d'édition pour valider tout type d’exploitation, même non prévu expressément au contrat. Ainsi, un contrat d’édition récent ne devrait pas permettre la cession des droits numériques, car le numérique est bien connu depuis une quinzaine d’années au moins. Mais dans un contrat antérieur à l’arrivée du numérique, cette clause devrait être appliquée.
- De plus la rémunération de l'auteur devra être prévue au contrat. C'est une condition d'application de cette clause selon la loi.
Ainsi, la diffusion numérique d'une photographie accompagnant la vente d'un album de musique en ligne n'était pas un mode d'exploitation prévisible en 1993. Si une telle clause n'est pas présente dans le contrat, l'exploitation numérique n'est pas possible sans un nouvel accord de l'auteur (CA Paris 11 décembre 2015 RG 15/02399 - Revue PI avril 2016 n°59, p.229 note J-M. Bruguière).
Dans les contrats récents, le numérique est le plus souvent compris.
Les contrats d’édition mentionnent la cession du droit de reproduction et du droit de représentation, pour la réalisation d’un livre destiné à être communiqué sur internet et/ou la réalisation d’une œuvre multimédia ou "transmédia" à partir de ce livre, notamment par l’addition de liens hypertextes, de musiques, d’images animées...
Le contrat ajoute souvent la communication au public en ligne ou en réseau, avec en complément, la prévision du mode de consultation (streaming et /ou par téléchargement / internet fixe et mobile) et prévoit une faculté d’adaptation de l’ouvrage assez large. De façon générale, les contrats des éditeurs englobent fréquemment le "numérique".
Attention cependant à bien respecter les exigences du CPI en matière de cession de droit d'auteur.
Par exemple, une mention trop vague d'une cession sur des œuvres futures au sein d'un contrat de travail n'est pas suffisante :
Cass. Soc. 7 janvier 2015 N° de pourvoi: 13-20224
Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes tendant au paiement de dommages-intérêts pour atteinte à ses droits patrimoniaux d'auteur attachés aux huit résumés effectués par elle sur la musique savante du XXe siècle, l'arrêt retient qu'il résulte de l'article 8 de l'avenant au contrat de travail que l'intéressée a cédé à titre exclusif et gracieux ses droits de propriété intellectuelle afférents à sa contribution, que cette cession en ce qu'elle est attachée à l'exécution de son contrat de travail n'est pas globale ;
Attendu cependant, qu'il résulte de l'article L. 131-3 du code de la propriété intellectuelle que la transmission des droits de l'auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l'objet d'une mention distincte dans l'acte de cession et que le domaine d'exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée ;
Qu'en se déterminant comme elle l'a fait, par des motifs insuffisants au regard de l'ensemble des conditions prévues par le texte susvisé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Il est possible de prévoir une convention-cadre, une lettre accord ou un avenant au contrat de travail portant sur la cession d’œuvres futures. Mais pour plus de sécurité, il conviendra d'associer ces accords à une confirmation annuelle ou à un bon de commande spécifique afin d'identifier les œuvres cédées (Cass. soc., 10 juill. 2013, n° 11-22200). Cette formule oblige cependant à une régularisation annuelle et donc à une gestion soigneuse des cessions. Il n'est pas certain qu'un simple renvoi facultatif suffise à sécuriser l'opération (Voir G. Verken et F. Gaulier, Pratique et contrats, revue PI avril 2016, spéc. p. 270)
Mais souvent, les modalités d’exploitation concrètes du livre numérique dans les anciens contrats sont rarement développées ou adaptées au nouveau cadre légal.
De plus, les éditeurs ne peuvent modifier le livre sans l’accord de l’auteur, afin de respecter son droit moral (art. L.132-11 al. 2 CPI).
Dès lors, les éditeurs souhaitent alors associer au contrat initial un avenant destiné spécialement au numérique (voir le point 2.5 ci-dessous pour des précisions pour la rémunération de l'édition numérique).
La question de la rémunération est souvent la seconde difficulté à trancher.
Quant à la fourchette de rémunération de l’auteur, elle évolue le plus souvent entre 5 % et 10 %, très rarement 15 % du prix de vente au public hors taxes selon le genre du livre, le niveau de ventes ou la notoriété de l’auteur. La pratique des éditeurs peut être différente selon les maisons d’édition et surtout selon les secteurs d’activité (littérature générale, jeunesse, BD, livre scolaire, presse, musique, etc.).
Amazon reverserait jusqu'à 35 % du prix de vente HT aux auteurs, et même jusqu'à 70 % si le prix de vente est inférieur à 9,99 euros. Mais on est ici dans un cas d'autoédition, Amazone ne remplissant pas le rôle d'un éditeur traditionnel.
Ces chiffres peuvent être comparés au modèle traditionnel dans lequel l’éditeur perçoit environ 50% du prix de vente au public HT, le reste étant retenu par les intermédiaires commerciaux (distributeurs et librairies). A charge pour l’éditeur de rémunérer l’auteur sur ces sommes perçues.
Légalement la rémunération de l'auteur peut être soit un pourcentage sur les ventes (1.2.1), soit un forfait (1.2.2), voir même une simple "rémunération" en cas d'oeuvre collective (1.2.3).
En principe, cette rémunération doit être proportionnelle au prix de vente du livre au public hors taxes.
Comme le rappelle la Cour de cassation, en principe :"la rémunération de l'auteur doit être proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou d'exploitation" (C. Cass. civ. 4 juillet 2019).
La rémunération de l’auteur est basée sur le Prix Public hors taxes du livre (ou PPHT ou prix au détail). Ce principe va perdurer après les modifications du
Code de la propriété intellectuelle ( cf. partie 2).
Un éditeur ne peut pas déduire ses propres frais de ce prix public. Le contrat doit comporter une référence aux recettes brutes et non nettes.
Un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 23 janvier 2013 est très clair sur ce sujet :
"(...) que l'auteur a droit à une participation proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l'exploitation et que, par voie de conséquence, l'assiette de sa rémunération doit être constituée des recettes brutes de la vente c'est-à-dire par référence au prix de vente au public, une telle assiette étant la seule qui puisse être connue aisément de l'auteur et qui puisse assurer que l'éditeur ne fait pas supporter à l'auteur des frais d'exploitation de l'œuvre ;
Considérant que l'article XVI-2b des contrats méconnaît la règle de rémunération proportionnelle en déduisant de l'assiette de rémunération 'les impôts et taxes des sociétés', qui sont à la charge de l'éditeur outre des sommes indéterminées telles que 'toutes commissions et retenues".
La finalité de cette règle est d’associer le plus souvent possible l’auteur aux revenus directement générés par son œuvre. Il ne s’agit pas de la simple rémunération d’un travail.
C'est seulement par exception que l'éditeur peut prendre comme assiette ses propres recettes encaissées (cf. aussi 2.5) sur cette possibilité). Dans ce dernier cas, il convient d’être vigilant sur le montant réel perçu par l’auteur. En effet, ces taux de rémunération se révèlent souvent moins intéressants pour les auteurs s’ils sont calculés sur la base des recettes de l’éditeur. Les recettes des éditeurs sont nécessairement inférieures à la totalité des sommes perçues lors de la vente à l’unité aux consommateurs. L’auteur doit donc veiller à ce que le taux augmente pour compenser la réduction de l’assiette de la rémunération par rapport au Prix Public hors taxes.
La question de la validité d’une rémunération rebondit lorsque le lecteur paye un simple abonnement à une plateforme regroupant de multiples oeuvres. Dans ce cas, le prix n’est plus fonction de la vente d’une œuvre en particulier, mais d’un prix global qui est basé sur les abonnements vendus et/ou sur le chiffre d'affaires de l'éditeur. Il est alors souvent précisé qu’une partie des recettes perçues par l’éditeur seront réparties proportionnellement ("au prorata") entre les différents auteurs présents dans la base. Ce type de mécanisme est assis sur la consultation réelle de l'oeuvre. Il est par exemple précisé que : "l'auteur percevra 20 % de la part des recettes H.T. perçues par l'éditeur correspondant à la consultation de l'oeuvre."
Le taux de rémunération de l’auteur est librement déterminé par les parties. Il existe un assez large éventail de taux pratiqués. On trouve assez régulièrement des clauses assurant une simple équivalence de rémunération entre le papier et le numérique. Mais il existe ici une véritable tension à la baisse des taux en matière numérique. L’auteur doit ici parfois négocier fermement pour garder une simple équivalence avec le pourcentage applicable à l’édition « papier ».
Précisions sur le prix final du livre numérique :
On sait maintenant que le prix du livre numérique est fixé par l’éditeur français ou étranger visant les acheteurs français (La loi n°2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique).
A ce sujet, Amazon a annoncé en décembre 2014 le lancement en France de son nouveau service d'abonnement "Kindle Unlimited", qui offre un accès illimité à une sélection de livres numériques pour un forfait de 9,99 euros par mois. Cette solution a rencontré l'opposition de la ministre de la Culture : "Le principe essentiel est que l'éditeur doit fixer lui-même le prix de son offre. De ce point de vue, les abonnements forfaitaires illimités qui concerneraient plusieurs éditeurs ne respectent pas la loi", a-t-elle indiqué. Effectivement, il faut bien distinguer l'éditeur du livre de sa plateforme de diffusion numérique. Ceux ne sont pas forcément les mêmes "acteurs" au sens légal.
Mais ce prix du livre numérique fait débat : pour les auteurs[1], l’éditeur fera des économies grâce au numérique. Du fait de la dématérialisation du support, le coût pour l’éditeur est le même, quel que soit le nombre d’ouvrages distribués. Ainsi, il y aurait une vraie économie pour l’éditeur qui pourrait aussi profiter à l’auteur et non pas seulement favoriser une baisse des prix des livres. À l’inverse, pour les éditeurs, les besoins spécifiques du numérique entraînent de nouveaux coûts qu’il s’agit de financer (gestion de l’interactivité, animation musicale, graphisme, convivialité, mise en place de plateforme de diffusion…) et la baisse des prix se justifie par une concurrence toujours accrue.
Concernant le prix au détail du livre physique, la loi n° 2014-779 du 8 juillet 2014 encadre les conditions de la vente à distance. Il s'agit ainsi de mettre fin à la possibilité d’offrir gratuitement la livraison d'un livre, notamment pour Amazon. L’article 1er de la loi n° 2014-779 complète le quatrième alinéa de l'article 1er de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre en précisant : « Lorsque le livre est expédié à l'acheteur et n'est pas retiré dans un commerce de vente au détail de livres, le prix de vente est celui fixé par l'éditeur ou l'importateur. Le détaillant peut pratiquer une décote à hauteur de 5 % de ce prix sur le tarif du service de livraison qu'il établit, sans pouvoir offrir ce service à titre gratuit ».
Par exception, la loi prévoit ensuite l’exception du forfait (Articles L 131-4 & L 132-6 CPI) : c’est une somme fixe payée par l’éditeur à l’auteur qui n’est pas proportionnelle au prix de vente. Le forfait a l’inconvénient de ne plus associer l’artiste au succès de son œuvre. Le forfait facilite pourtant la gestion de l’œuvre par l’éditeur. Il peut s’avérer en pratique favorable à l’auteur si l’œuvre génère peu de profit .
Ce forfait ne doit pas être confondu avec l’à-valoir ou le minimum garanti contractuellement qui sont des "avances" de droits proportionnels au prix de vente.
Pour contourner les difficultés liées à la rémunération proportionnelle des auteurs, certains contrats d’édition recourent à l’exception du forfait dans le domaine du numérique. En effet, les articles L. 131-4 alinéa 2 & L.132-6 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) prévoient chacun de nombreuses hypothèses de recours au forfait.
Souvent le contrat précise qu'en raison du caractère accessoire de l'apport de l'auteur ou en raison de l'impossibilité de tracer l'exploitation individuelle de chaque oeuvre, le forfait s'impose.
Il n’est pas toujours aisé de déterminer les domaines d’application de ces deux séries d’exceptions. Dans le doute, l’auteur confronté au flou des exceptions posées par la loi accepte souvent un forfait discutable légalement.
Attention à ne pas aller trop loin dans cette logique du caractère accessoire de l'apport créatif. Ainsi le TGI de Paris a récemment annulé un contrat basé sur une rémunération forfaitaire alors que les créations en cause étaient des éléments centraux de l'oeuvre audiovisuelle, même s'il existe par ailleurs d'autres apports de tiers. (TGI, Paris, (3e chambre ; 2e section), 8 janvier 2016, P. Rouchier et a. c/ Société Europacorp et L. Besson)
« le fait que plusieurs personnes aient contribué ensemble à l’œuvre graphique d’un film animé, sans que la contribution de l’un ou de l’autre des créateurs ne puisse être précisément déterminée sur chacun des dessins, ne suffit pas à lui seul à écarter toute rémunération proportionnelle, cette circonstance n’était pas de nature à établir un caractère accessoire par rapport à l’œuvre exploitée au sens de l’article L.131-4 précité, et ainsi à faire obstacle à une évaluation proportionnelle de la part de ces auteurs dans l’œuvre.
Au contraire, en présence d’une œuvre audiovisuelle constituée d’un film d’animation créé à partir de graphiques, d’illustrations et de dessins conçus par des dessinateurs, l’exploitation ou la reproduction des personnages, des accessoires et des décors du film ainsi conçus, ne saurait être considérée comme « accessoire » par rapport à l’objet exploité alors que ces dessins illustrations et graphiques, dont la part contributive à l’œuvre est aisément identifiable, en constituent l’élément fondateur et principal à partir duquel l’œuvre pourra être réalisée en trois dimensions puis finalisée ».
Dans le cadre des exceptions l’article L.132-6 du CPI visant « l’édition de librairie », le forfait ne devrait valoir que pour la première édition. Dès lors, en cas de nouvelle édition numérique[2], une rémunération nouvelle devrait être versée à l’auteur, celle-ci pouvant elle-même être un forfait. De plus, les exceptions posées par l’article L.131-4 al. 2 du CPI devraient s’analyser strictement. Un simple passage au numérique ne permet pas un recours généralisé au forfait. Ainsi, un premier forfait visant l’édition papier traditionnelle ne devrait pas couvrir systématiquement une nouvelle édition numérique.
Enfin, une dernière question souvent soulevée en pratique est celle de savoir si un salaire peut être assimilé à un forfait venant rémunérer le droit d'auteur. Si le contrat rémunère la cession au travers d'un salaire, il convient d'attacher une attention particulière à la rédaction de la clause en précisant bien quelle partie du salaire est affectée au travail créatif. Toutefois, on relèvera que cette solution reste incertaine.
L’hypothèse de « l’œuvre collective[3] » en matière numérique n’est pas à négliger (art. L 113-2 & L 113-5 CPI).
Si on la trouve rarement en matière de littérature générale, elle est fréquente pour les contributions mineures et/ou accessoires : dessins, illustrations, graphisme, photos, petits textes, logos, dictionnaires, presse… (voir une décision du TGI de Paris concernant un graphiste d'une oeuvre collective condamné pour contrefaçon pour la reprise d'articles sur son blog )
Dans ce cas, c’est l’éditeur qui détient les droits patrimoniaux sur l’ensemble de l’œuvre, même en l’absence de contrat d’exploitation de l’œuvre. Il n’ a pas à verser de rémunération spécifique aux contributeurs de l’œuvre collective au regard de la législation sur le droit d’auteur.
Par exemple, un arrêt récent de la Cour de cassation admet assez largement cette notion d'oeuvre collective au détriment d'un illustrateur de contes pour enfants. La Cour d'appel considère que le recueil forme une oeuvre collective au motif que l'éditeur a conservé un pouvoir d'initiative, de direction et de conception sur l'oeuvre en cause. La Cour de cassation valide l'affirmation. Voir Cass. 1e civ. 19 décembre 2013 pourvoi n°12-28912.
Plus spécifiquement pour le numérique, ici encore, on retrouve la difficulté de l’œuvre collective conçue uniquement pour une exploitation « papier » qui est à nouveau exploitée sur le web. L’éditeur peut-il dans tous les cas refuser de payer l’auteur pour cette nouvelle exploitation en se plaçant sur le fondement de l’œuvre collective ?
Les tribunaux ont tendance à exiger une nouvelle rémunération au profit du contributeur lorsque sa contribution est exploitée séparément par rapport à l’œuvre collective initiale. Mais le régime juridique de l’œuvre collective reste incertain.
En pratique, les contributions à une œuvre collective étant souvent mineures et les enjeux financiers étant faibles, peu d’auteurs prennent le risque de demander en justice une nouvelle
rémunération en s’opposant frontalement à un éditeur. Cependant, à titre préventif, on conseillera aux parties de conclure un contrat écrit et de prévoir si possible une rémunération
spéciale pour le passage au numérique.
La pratique contractuelle montre parfois un certain décalage avec la législation. Par exemple, le choix du forfait est discutable ou l'assiette du droit proportionnel repose sur les recettes brutes (voir nettes...) de l'éditeur.
Pourtant, les actions en justice sont rares et les délais pour agir assez courts. Il faut en effet agir dans les 5 ans à compter du jour de la connaissance du vice affectant la clause, cette connaissance pouvant résulter de la signature du contrat. De nombreux contrats contestables sont donc validés du fait de la prescription, les auteurs ne prenant pas le risque du procès assez tôt.
2.1. Une nouvelle définition du contrat d'édition
Afin de s'adapter aux nouveaux usages, la définition du contrat d'édition comprend maintenant le numérique sans contestation possible.
Une diffusion sur internet d'un ouvrage relève en principe des règles relatives au contrat d'édition (Article L 132-1 CPI nouveau).
2.2. Un nouveau plan dans le Code de la propriété intellectuelle (CPI)
Les dispositions relatives au contrat d'édition sont maintenant présentées en plusieurs sections avec des dispositions générales (sous-section 1) et des dispositions particulières applicables à l'édition d'un livre (sous-section 2).
Cette seconde sous-section comprend deux paragraphes, le premier visant les dispositions communes à l'édition d'un livre sous une forme imprimée et sous une forme numérique, le second visant uniquement le livre numérique.
Les nouvelles dispositions du CPI sont complétées par un l'accord-cadre du 1er décembre 2014 rendu obligatoire par un arrêté du 10 décembre 2014 à l’ensemble du secteur du livre (art. L132-17-8 CPI). Cet accord-cadre devient un nouveau Code des usages (ci-après l'accord ou accord-cadre).
Un contrat d'édition type est diffusé par la SGDL en application de ces dispositions.
2.3. La structure du nouveau contrat d'édition numérique en deux parties minimum
Si le nouveau contrat prévoit une exploitation numérique, il devra alors comporter au minimum deux parties distinctes dont l'une sera consacrée au numérique, à peine de nullité de la cession de ces droits numériques (point 1 de l'accord/ art. L. 132-17-1 CPI).
Concrètement, la cession des droits numériques reste une option pour les parties. Il sera toujours possible pour l'éditeur de ne procéder qu'à une exploitation "papier", mais dans ce cas, il devra éviter toute mention relative au numérique dans la cession des droits d'exploitation, sauf à risquer la nullité de la cession des droits pour le livre numérique.
Les contrats conclus avant le 1er décembre 2014 ne sont pas concernés par cet article. (art. 10 ordonnance). Mais les contrats et avenants aux contrats existants conclus après cette date devront comprendre cette nouvelle partie distincte.
En pratique, le contrat d'édition pourra comporter trois parties :
Concernant les droits secondaires et dérivés. Ceux-ci pourront dorénavant être rattachés soit à la partie imprimée soit à la partie numérique, en suivant le sort réservé à l'une ou à l'autre. Mais il existe ici une difficulté de répartition, certains droits étant susceptibles d'être autant rattachés au numérique qu'à l'imprimé[3].
► Voir la structure du contrat SGDL en 3 parties.
2.4. Clause de réexamen pour le numérique
Face au peu de visibilité du modèle économique du numérique, les représentants des auteurs souhaitaient obtenir une durée courte pour la cession des droits d’exploitation en ce domaine. ( 2 à 5 ans à compter de la date de la signature par exemple). Mais en droit positif, les durées de cession sont plus longues (concrètement 70 ans après la mort de l'auteur). Sur ce premier point, l'accord-cadre ne modifie pas la situation existante.
Une clause dite de « rendez-vous » ou de « réexamen » permettant une véritable renégociation des conditions de rémunération pour l’exploitation numérique après quelques années a été souhaitée par les auteurs. Cette clause de réexamen est maintenant obligatoire pour les contrats d'édition numérique (art. L 132-17-7 CPI - Article 6 accord-cadre).
La difficulté pratique est ici de distinguer les différents points de départ des délais.
L'accord-cadre prévoit un mécanisme de révision sur ce point " L’auteur et l’éditeur peuvent chacun demander un réexamen au terme d’un délai de quatre ans à compter de la signature du contrat et pour une durée de deux ans (...) " (point 6 accord).
Les parties devront donc négocier de bonne foi ce réexamen et le cas échéant soumettre leur désaccord à une commission de conciliation.
Pour les contrats conclus avant le 1er décembre 2014, cette possibilité de réexamen est ouverte 3 mois après l'entrée en vigueur de l'arrêté du ministre (ordonnance art. 12).
2.5. La rémunération de l'auteur pour l'exploitation numérique
Les nouveaux textes apportent des précisions concrètes sur l'assiette de ce taux qui doit porter sur toutes les recettes de la diffusion numérique (point 5 accord /art. L 132-17-6 CPI ).
1. En cas de vente à l'unité, le principe reste celui de la rémunération proportionnelle fonction du prix de vente au public hors taxes .
2. Dans les cas où le modèle économique de l'exploitant est basé sur la publicité ou sur toutes autres recettes liées indirectement à l’ouvrage et non la vente de celui-ci, une rémunération est également due à l’auteur à ce titre. On ne peut priver l'auteur d'une rémunération si l'ouvrage n'est pas vendu directement au public.
3. Très important en pratique, le cas du forfait est aussi abordé. Dans les cas où le recours à un forfait est admissible (ce qui n'est pas toujours facile à déterminer), ce dernier ne saurait être versé à l’auteur en contrepartie de la cession de l’ensemble de ses droits numériques et pour tous les modes d’exploitation numérique de l’ouvrage.
En principe, un forfait global pour le numérique n'est pas admissible. Il faudra prévoir plusieurs forfaits en fonction des modes d'exploitation numérique concrets. Si le forfait est justifié par une opération déterminée, il devra être renégocié pour toute nouvelle opération.
Par exception, un forfait global peut être prévu sur le fondement de l'article L 131-4 4° CPI, en cas de contribution accessoire ou non essentielle.
4. En l'absence de vente à l'unité (bouquet, abonnement...), l'auteur pourra être rémunéré sur le prix payé par le public au prorata des consultations et téléchargements.
L'éditeur devra mettre au point des modalités de calcul du prix public qui pourront être connues de l'auteur. Ce point technique apparaît souvent nébuleux dans les contrats d'édition numérique. L'informatique peut aussi servir ici à "tracer" l'exploitation des œuvres même proposées "en bouquet".
C'est seulement dans l’hypothèse où l’éditeur ne serait pas en mesure d’effectuer ce calcul que l’auteur sera rémunéré sur les recettes encaissées par l’éditeur (et non plus le prix payé par le public) au prorata des consultations et des téléchargements du livre. Cette dernière solution est donc "une exception".
5. Pour les contrats conclus avant le 1er décembre, l'entrée en vigueur de cet article est décalée au 1 mars 2015 pour les ventes à l'unité. En l'absence de vente à l'unité, l'entrée en vigueur de l'article sera fixée par l'arrêté du ministre de la culture (art. 11 3° de l'ordonnance).
2.6. L'obligation de publier sous forme numérique pour l'éditeur
Lorsque les droits numériques ont été cédés, il est prévu une obligation de publication numérique dans un délai de 15 mois à compter de la remise du manuscrit et 3 ans à compter de la signature du contrat d'édition (art. L 132-17-5 CPI / point 3 de l'accord / à comparer avec l'article 132-11 CPI pour l'édition papier).
Il sera dorénavant prudent de bien garder la preuve de l'acceptation pour faire courir le délai de l'obligation de publication qu'il sera préférable de rattacher au délai de remise du manuscrit plutôt qu'à la date de signature du contrat.
L'auteur doit mettre en demeure l'éditeur de publier l'œuvre sauf si l'éditeur s'est montré passif pendant une trop longue durée (voir le point 5.1 de l'accord pour la procédure à suivre dans ce cas). À défaut, la cession des droits numériques est résiliée de plein droit.
Pour les contrats conclus avant le 1er décembre 2014, cette obligation d'exploitation numérique entre en vigueur au 1 décembre 2016 (ordonnance art. 9) A contrario, cette disposition s'applique dès le 1er décembre pour les contrats conclus après cette date.
2.7. Exploitation permanente et suivie de la part de l'éditeur (papier & numérique)
Il s'agit d’éviter que l’auteur soit bloqué par un contrat de longue durée alors que l’éditeur ne procède à aucune exploitation numérique et/ou imprimée de l’œuvre.
À défaut d’exploitation sérieuse par l'éditeur, l’auteur pourra reprendre ses droits numériques et/ou "papiers".
À la suite d’une mise en demeure restée sans effet pendant un délai de 6 mois, la résiliation sera de plein droit (art. L 132-17-2 CPI / art. 4 accord / comparer art. L 132-12 CPI) .
L’exploitation permanente et suivie pour le livre numérique est distincte de celle du livre imprimé. Ces deux obligations d’exploitation sont maintenant indépendantes et autonomes tant du point de vue de l’exécution que de la sanction.
Concernant l’exécution, l'éditeur doit satisfaire aux deux obligations s'il dispose des deux types de droits. En cas de non-exploitation, la sanction est une nullité relative qui affectera seulement la partie du contrat concerné. (art.L 132-17-2 II & III CPI).
Pour les contrats conclus avant le 1 décembre 2014, cet article sera applicable 3 mois à compter de l'entrée en vigueur de l'arrêté du ministère de la Culture, soit en mars 2015.
2.8. La fin du contrat en cas de non-exploitation durable (papier et numérique)
Il est prévu (point 8 accord / art. L132-17-4 CPI) plusieurs dispositions concernant la possibilité de mettre fin au contrat lorsque l'œuvre n'est plus exploitée pendant deux ans, au-delà d'un délai de quatre ans après sa publication. Cette possibilité concerne aussi l'exploitation sous forme imprimée.
C'est donc une manière de limiter la durée de la cession, mais uniquement en cas d'absence d'exploitation par l'éditeur.
Cette nouvelle disposition est applicable aux contrats conclus après le 1er décembre 2014.
2.9. Le bon à diffuser et le respect du droit moral
L’éditeur est dans l’obligation d’obtenir l’autorisation de l’auteur avant toute modification de son œuvre (art. L 132-11 CPI al.2).
Afin de respecter cette obligation dans le domaine numérique, un « bon à diffuser » devrait être demandé par l’éditeur à l’auteur, lors de la validation des premières épreuves et pour toute modification, ajout ou adaptation du manuscrit dans sa version numérique.(point 2 accord)
Ce bon à diffuser permet de prendre en compte le droit moral de l’auteur afin d'éviter les contentieux liés au respect de l'œuvre du fait du passage au numérique.
Selon l'accord-cadre le bon à tirer des épreuves papier vaut bon à diffuser du livre numérique "homothétique" (c.-à-d.. non enrichi), à l'exception des livres contenant des illustrations. Dans cette dernière hypothèse, il faudra un bon à tirer spécifique dans toutes les hypothèses.
2.10. La reddition des comptes (numérique & imprimé)
La reddition des comptes permet à l’auteur de suivre chaque année la réalité de l'exploitation de son ouvrage. Ce document capital est souvent l'objet de critiques de la part des auteurs (document difficile à comprendre, absence d'information sur certaines exploitations, erreur de calcul, source d'information provenant uniquement de l'éditeur...). (point 7 accord / art. 132-17-3 CPI / art. L 132-13 CPI).
L'accord-cadre renforce et rappelle les obligations de l'éditeur sur ce sujet, à peine de nullité de plein droit du contrat, après mise en demeure.
L'éditeur devra être précis et complet dans les informations à communiquer :
Les redditions des comptes devront donc elles aussi faire l'objet d'une partie distincte dans le contrat.
Leur envoi sera maintenant obligatoire « au moins » une fois par an à la date prévue au contrat et pas plus de six mois après l'arrêté des comptes (comp. article L. 132-13 CPI)
Le paiement sera effectif, quand il sera dû, au maximum six mois à compter de la date d'arrêté des comptes (sauf accord).
L'obligation de rendre compte s'impose par ailleurs à l'éditeur pour l'ensemble des ventes réalisées, quel que soit le circuit de diffusion (France, export, opérations spéciales...).
Si l'éditeur n'a pas satisfait à son obligation de reddition selon les modalités prévues, l'auteur dispose d'un délai de six mois pour le mettre en demeure d'y procéder.
Une fois mis en demeure, si l'obligation n'est pas réalisée dans un délai de trois mois, le contrat est résilié de plein droit.
Lorsque l'éditeur n'a satisfait, durant deux exercices successifs, à son obligation de reddition des comptes que sur mise en demeure de l'auteur, le contrat est résilié de plein droit dans les six mois qui suivent la seconde mise en demeure.
L'éditeur reste tenu, même en l'absence de mise en demeure par l'auteur, de respecter ses obligations légales et contractuelles de reddition.
Il est conseillé de reprendre la proposition formulée dans l'accord de rendre les redditions accessibles en ligne. Elle évitera de manquer aux obligations d'envoi. Cela impliquera au préalable de régler, par une mention claire et transparente portée au contrat, certaines questions de preuve d'acceptation du principe de dématérialisation des redditions puis de connexion.
L'application, pour le numérique (CPI, art. L. 132-17-3, al. 2 à 6), se fera à compter de l'exercice débutant après l'entrée en vigueur de l'arrêté du ministre.
2.11. Obligation de paiement de l'éditeur dans les délais sous peine de résiliation de plein droit
Selon le nouvel article L.132-3-1 du CPI (L. 7 juillet 2017), l'éditeur a au maximum un délai de 6 mois après l'arrêté des comptes pour verser la rémunération annoncée. (al.1er)
Si aucun paiement n'est perçu par l'auteur, ce dernier dispose d'un délai de 12 mois pour adresser à son éditeur une mise en demeure (al.2). À titre de sanction, en l'absence de paiement, le contrat est résilié de plein droit, sans avoir à saisir le juge. Ce nouvel article est d'application immédiate aux contrats en cours. Cela permet donc à l'auteur de récupérer ses droits sans procès si celui-ci n'est pas dans l'urgence.
Annexe 1 : application dans le temps
Concrètement, l'ancienne version du CPI est applicable aux anciens contrats, sauf si la loi nouvelle prévoit le contraire, ce qui est souvent le cas ici :
Questions |
Application immédiate de la loi nouvelle aux anciens contrats au : |
Rémunération de l'exploitation sous forme numérique dès lors qu'il n'existe pas de prix de vente à l'unité dans le contrat
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28 décembre 2014 |
Règles nouvelles concernant la reddition des comptes puisqu'elles concernent l'exercice de l'année 2015
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1er janvier 2015 |
Clause de réexamen du prix
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1er janvier 2015 |
Nouvelles modalités de l'exploitation permanente et suivie
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28 mars 2015 |
Cas de l'auteur qui a cédé ses droits numériques avant le 1er décembre 2014 peut mettre en demeure l'éditeur de réaliser cette exploitation
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1er décembre 2016 |
Contrat d’édition ancien modifié, notamment par avenant, lorsqu'il existe un avenant « portant cession de droits d'exploitation » |
1er décembre 2014 |
[1] Les actions en justice sont rares et les délais pour agir assez courts. Il faut en effet agir dans les 5 ans à compter du jour de la connaissance du vice affectant la clause, cette connaissance pouvant résulter de la signature du contrat. De nombreux contrats contestables sont donc validés du fait de la prescription, les auteurs ne prenant pas le risque du procès assez tôt.
[2] Communication Commerce électronique n° 3, Mars 2015, étude 5
Contrat d'édition . - Commentaire de l'ordonnance du 12 novembre 2014
Etude par Benoît KERJEAN
[3] Droit de traduction, applications smartphones n'exploitant qu'une partie de l'œuvre et qui sont, par nature, numériques mais souvent complémentaires d'un livre imprimé)
[4] Article L131-4 : La cession par l'auteur de ses droits sur son œuvre peut être totale ou partielle. Elle doit comporter au profit de l'auteur la participation proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l'exploitation. Toutefois, la rémunération de l'auteur peut être évaluée forfaitairement dans les cas suivants : (…) 4° La nature ou les conditions de l'exploitation rendent impossible l'application de la règle de la rémunération proportionnelle, soit que la contribution de l'auteur ne constitue pas l'un des éléments essentiels de la création intellectuelle de l'œuvre, soit que l'utilisation de l'œuvre ne présente qu'un caractère accessoire par rapport à l'objet exploité ;
[5] Communication Commerce électronique n° 3, Mars 2015, étude 5 Contrat d'édition . - Commentaire de l'ordonnance du 12 novembre 2014
[6] C’est très discuté en doctrine : cf CPI Dalloz L. 132-12 commentaire et JP
[7] CA Paris, 4e ch., sect. A, 13 mars 2002, n° 1999/23037 : Juris-Data n° 2002-174174 ; Comm. com. électr. 2002, comm. 82, note Ch. Caron
Il reste maintenant à bien comprendre et appliquer ces nouvelles règles...
Pascal Reynaud
Avocat au barreau de Strasbourg
[1] Conseil Permanent des Écrivains (CPE) source : http://www.sgdl.org/les-services/les-contrats/921-le-contrat-numerique.
[2] La réédition est un retirage à l’identique du livre, alors qu’une nouvelle édition contient des modifications.
[3] Le plus souvent, il s’agit d’une œuvre créée sous la direction et l’impulsion d’une entreprise dans laquelle la création objet du contrat tient une place accessoire.
[22] Source : Société des gens de lettres (SGDL 2011) http://www.sgdl.org/les-services/les-contrats/921-le-contrat-numerique