Une nouvelle procédure de blocage administratif des sites de jeux illégaux remplace l'ancienne procédure judiciaire du fait de l'adoption définitive par l'Assemblée nationale de loi visant à "démocratiser le sport".
Le blocage administratif désigne l'arrêt de l'accès à des sites illicites sur demande de l’autorité administrative (ici l’ANJ) sans passer par un tribunal.
Le jeu illégal est loin d’être anecdotique et il est en pleine croissance : le nombre de personnes qui jouent en France sur les sites illégaux est actuellement estimé entre 1,4 et 2,2 millions de personnes contre 500 000 en 2016.
Jusqu’à présent les demandes de blocages reposaient sur une procédure de blocage judiciaire des sites illégaux par les fournisseurs d’accès à internet (Article 61 de la loi du 12 mai 2010). Cette procédure judiciaire est cependant jugée à la fois trop lente (4 à 6 mois), inadaptée à la forte volatilité de l’offre illégale, et trop coûteuse (450 000 euros, soit près de 10% du budget annuel de l’ANJ).
Dans le cadre de cette nouvelle procédure administrative, l’ANJ dressera la « liste noire » des sites dont les fournisseurs d’accès à internet (FAI) et les moteurs seront tenus de bloquer l’accès ou de déréférencer dans un court délai.
L’ANJ pourra être saisie par le ministère public ou toute personne qui y a intérêt. Cette possibilité est nouvelle. Pour l’instant, à notre connaissance, l’ANJ se chargeait, par l’intermédiaire de son médiateur, des litiges et des plaintes entre les opérateurs légaux et les consommateurs.
Voici la nouvelle procédure en 3 étapes :
· Étape 1 : l’ANJ met en demeure l’opérateur illégal, son hébergeur (par exemple des plateformes de téléchargement d’applications), toute personne effectuant de la publicité pour ces sites (réseaux sociaux, influenceurs…), d’empêcher l’accès au site illégal en France. Ces derniers ont 5 jours pour faire valoir leurs observations.
· Étape 2 : à défaut d’exécution des mises en demeure, l’ANJ ordonne aux FAI d’empêcher l’accès aux sites en cause et aux moteurs de recherche de référencer ces contenus illégaux.
Dans la plupart des cas, les FAI et les moteurs risquent d’exécuter spontanément cette demande de blocage ou de déréférencement. Mais ce ne sera pas toujours le cas.
· Étape 3 : Dans le cas contraire, les FAI et moteurs de recherche seront soumis aux peines prévues au 1 du VI de l'article 6 de la LCEN (lourdes amendes, peine de prison pour les personnes physiques…).
Les FAI et les moteurs pourront toutefois contester directement la demande de blocage de l’ANJ devant le juge administratif. On imagine aussi que ce sera le cas pour les opérateurs de jeux, pour les personnes en charge de la publicité, pour les hébergeurs qui pourront contester les mises en demeure.
Selon le gouvernement, ce blocage administratif est justifié par les atteintes à l’ordre public, à l’ordre social (addiction, blanchiment, escroquerie …) mais également à l’économie du sport et à l’intégrité des pratiques sportives (risques de manipulations sportives, manque à gagner relatif au droit au pari). Les contrats de droit au pari assis sur les paris légaux ont permis aux organisateurs de compétitions de recevoir près de 13 millions d’euros en 2019 et 10 millions d’euros en 2020. Les sites illégaux eux ne reversent rien à l’État, bien sûr.
Toujours selon le gouvernement, ce blocage administratif relève de l’exercice de la police administrative. Ce type de mesure a déjà été justifiée par l'objectif de sauvegarde de l'ordre public par le Conseil constitutionnel, notamment en matière de pédopornographie et de terrorisme.
Par ailleurs, ce blocage administratif ne porterait pas atteinte à la liberté d’expression et de communication. En effet, le gouvernement estime que sont illégales toutes les offres de jeux qui sont proposées par des personnes qui ne disposent pas d’une autorisation administrative (FDJ, PMU, opérateurs agréés ANJ..).
Or cette affirmation est critiquable.
Il existe des exceptions à la prohibition générale des jeux d’argent qui sont clairement prévus à l’article 320-6 CSI ou par l'article L 321-11 CSI et qui ne relèvent pas d’autorisations administratives préalables.
Pour mémoire il s’agit surtout :
Le juge administratif aura donc éventuellement à connaître de la légalité de ces catégories de jeux d’argent qui ne sont pas soumis à autorisation préalable de la part de l’administration. On constate ainsi que l'autorité administrative a un droit de regard sur une infraction pénale dont la caractérisation est pourtant de la compétence du juge judiciaire.
On mettra en parallèle ce blocage administratif avec les décisions du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 4 février 2019 qui ont annulé les décisions de l'office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication. Cette administration avait ordonné le retrait de publications accessibles par quatre adresses URL ainsi que le déréférencement du contenu de deux d'entre elles. Le tribunal a pourtant estimé que le contenu de ces publications ne constituait pas une provocation directe ou faisait l'apologie d'actes de terrorisme, au sens des dispositions de l'article 421-2-5 du Code pénal. (TA Cergy-Pontoise, 4 févr. 2019, n° 1801344, n° 1801346, n° 1801348 et n° 1801352 ; https://www.cnil.fr/fr/controle-du-blocage-administratif-des-sites-premiere-decision-rendue-sur-saisine-de-la-personnalite).
Par le passé, ce type de mesure de blocage administratif a été critiqué pour son risque d'atteinte à la liberté d'expression en l'absence du juge judiciaire. Le Conseil national du numérique (CNN) par exemple a préconisé de ne jamais déroger au principe du recours à une autorité judiciaire préalablement à l'instauration d'un dispositif de surveillance, de filtrage ou de blocage de contenus sur internet.
Le projet d'article ne mentionne plus à ce stade la compensation financière des mesures de blocage par les FAI.
Pascal Reynaud
Avocat au barreau de Strasbourg
reynaud.avocat@gmail.com
LOI n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne
Article 61 actuel
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Amendement[1] : |
Alinéa 1
Mise en demeure opérateur illégal
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Le président de l'Autorité nationale des jeux adresse aux opérateurs de jeux ou de paris en ligne non autorisés en vertu d'un droit exclusif ou de l'agrément prévu à l'article 21 et à toute personne proposant une quelconque offre de jeux d'argent et de hasard en ligne en contravention aux dispositions du titre II du livre III du code de la sécurité intérieure, par tout moyen propre à en établir la date de réception, une mise en demeure rappelant les dispositions de l'article 56 relatives aux sanctions encourues et les dispositions du troisième alinéa du présent article, enjoignant à ces opérateurs de respecter cette interdiction et les invitant à présenter leurs observations dans un délai de huit jours.
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Le président de l’Autorité nationale des jeux adresse à la personne dont l’offre de jeux d’argent et de hasard en ligne est accessible sur le territoire français et qui ne peut se prévaloir de l’une des dérogations mentionnées à l’article L. 320‑6 du code de la sécurité intérieure une mise en demeure de cesser cette activité.
Cette mise en demeure, qui peut être notifiée par tout moyen propre à en établir la date de réception, rappelle les dispositions de l’article 56 de la présente loi et invite son destinataire à présenter ses observations dans un délai de cinq jours. |
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Nouvel alinéa 2
Mise en demeure publicité
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Le président de l’Autorité nationale des jeux adresse à la personne qui fait de la publicité en faveur d’un site de jeux d’argent et de hasard non autorisé ou qui diffuse au public les cotes et rapports proposés par un tel site une mise en demeure de cesser cette activité.
Cette mise en demeure, qui peut être notifiée par tout moyen propre à en établir la date de réception, rappelle les dispositions du premier ou du deuxième alinéa de l’article 57 applicables en l’espèce et enjoint son destinataire à cesser cette promotion et l’invite à présenter ses observations dans un délai de cinq jours.
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Ancien alinéa 2
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Nouvel alinéa 3
Mise en demeure hébergeur
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Il adresse également aux personnes mentionnées au 2 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, par tout moyen propre à en établir la date de réception, une copie de la mise en demeure prévue au premier alinéa du présent article et leur enjoint de prendre toute mesure propre à empêcher l'accès au contenu du service de communication au public en ligne proposé par l'opérateur mentionné au même premier alinéa.
Ces personnes sont invitées à présenter leurs observations dans un délai de huit jours.
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Le président de l’Autorité nationale des jeux adresse aux personnes mentionnées au 2 du I de l’article 6 de la loi n° 2004‑575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique une copie des mises en demeure adressées aux personnes mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article.
Il enjoint ces mêmes personnes à prendre toute mesure pour empêcher l’accès à ces contenus illicites et les invite à présenter leurs observations dans un délai de cinq jours.
La copie des mises en demeure et l’injonction leur sont notifiées par tout moyen propre à en établir la date de réception.
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Ancien alinéa 3
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Nouvel alinéa 4
Blocage administratif par FAI – moteur de recherche – annuaire
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A l'issue du délai mentionné aux deux premiers alinéas, en cas d'inexécution des injonctions prévues aux premier et deuxième alinéas du présent article ou si l'offre de paris ou de jeux d'argent et de hasard en ligne reste accessible, le président de l'Autorité nationale des jeux peut saisir le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins d'ordonner, selon la procédure accélérée au fond, l'arrêt de l'accès à ce service aux personnes mentionnées au 1 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée. Il peut également saisir le président du tribunal de grande instance de Paris aux mêmes fins si l'offre demeure accessible nonobstant l'éventuelle exécution par les personnes mentionnées au deuxième alinéa du présent article sans avoir à procéder à de nouvelles injonctions de même nature.
Le président de l'Autorité nationale des jeux peut saisir par requête le président du tribunal de grande instance de Paris aux mêmes fins lorsque ce service de communication au public en ligne est accessible à partir d'autres adresses. Le président de l'Autorité nationale des jeux peut également saisir le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir prescrire, selon la procédure accélérée au fond, toute mesure destinée à faire cesser le référencement du site d'un opérateur mentionné au deuxième alinéa du présent article par un moteur de recherche ou un annuaire.
Dans le cas prévu au premier alinéa, l'Autorité nationale des jeux peut également être saisie par le ministère public et toute personne physique ou morale ayant intérêt à agir.
Un décret fixe les modalités selon lesquelles sont compensés, le cas échéant, les surcoûts résultant des obligations mises à la charge des personnes mentionnées au 1 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée au titre du présent article.
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Lorsque tous les délais mentionnés aux trois premiers alinéas sont échus, le président de l’Autorité nationale des jeux notifie aux personnes mentionnées au 1 du I de l’article 6 de la loi n° 2004‑575 du 21 juin 2004 précitée, ainsi qu’à toute personne exploitant un moteur de recherche ou un annuaire, les adresses électroniques des interfaces en ligne dont les contenus sont illicites et leur ordonne de prendre toute mesure utile destinée à en empêcher l’accès ou à faire cesser leur référencement, dans un délai qu’il détermine et qui ne peut être inférieur à cinq jours.
Pour l’application du quatrième alinéa du présent article, une interface en ligne s’entend de tout logiciel, y compris un site internet, une partie de site internet ou une application, exploité par un professionnel ou pour son compte et permettant aux utilisateurs finals d’accéder aux biens ou aux services qu’il propose. « Le président de l’Autorité nationale des jeux peut également être saisi par le ministère public et toute personne physique ou morale ayant intérêt à agir, afin qu’il mette en œuvre les pouvoirs qui lui sont confiés en vertu du présent article. » ;
Le non‑respect des mesures ordonnées en application du même quatrième alinéa est puni des peines mentionnées au 1 du VI de l’article 6 de la loi n° 2004‑575 du 21 juin 2004 précitée[2].
Art. 6 VI.-1 LCEN actuel . Est puni d'un an d'emprisonnement et de 250 000 Euros d'amende le fait, pour une personne physique ou le dirigeant de droit ou de fait d'une personne morale exerçant l'une des activités définies aux 1 et 2 du I, de ne pas satisfaire aux obligations définies aux quatrième et cinquième alinéas du 7 du I du présent article ni à celles prévues à l'article 6-1 de la présente loi, de ne pas avoir conservé les éléments d'information visés au II du présent article ou de ne pas déférer à la demande d'une autorité judiciaire d'obtenir communication desdits éléments. Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables de ces infractions dans les conditions prévues à l'article 121-2 du code pénal. Elles encourent une peine d'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du même code, ainsi que les peines mentionnées aux 2° et 9° de l'article 131-39 de ce code. L'interdiction mentionnée au 2° de cet article est prononcée pour une durée de cinq ans au plus et porte sur l'activité professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise.
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Article 57 – alinéa 3
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2° Le dernier alinéa de l’article 57 est supprimé.
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[1] SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2021‑2022 19 janvier 2022 - TEXTE ADOPTE PROVISOIRE
PROPOSITION DE LOI visant à démocratiser le sport, à améliorer la gouvernance des fédérations sportives et à sécuriser les conditions d’exercice du sport professionnel
(procédure accélérée)
Dans une décision du 19 décembre 2019 (C263-18), la CJUE a considéré que la diffusion d'ebook relevait du droit de communication au public et non au droit de distribution.
Derrière cet enjeu théorique se cache un intérêt pratique majeur.
En effet le droit de distribution s'épuise lors de son premier exercice. Cet épuisement s'applique, en principe, au support matériel de l'oeuvre (le livre physique) et non à sa version dématérialisée (l'ebook)...
Cela signifie que la revente est libre de droit d'auteur. Un marché d'occasion serait alors ouvert à tous.
En décidant que la diffusion d'ebooks (livre numérique) relève du droit de communication au public (ou droit de représentation), la Cour refuse une telle conséquence. Dès lors, chaque nouvelle diffusion de l'ebook est sous le contrôle de l'auteur. Celui-ci doit en autoriser la diffusion et percevoir une rémunération, sauf exception.
Cet arrêt distingue très clairement "programme d'ordinateur" et "livre numérique". En effet, dans un arrêt arrêt du 3 juillet 2012, UsedSoft, C‑128/11, la Cour a placé le programme d'ordinateur dans l'orbite du droit de distribution et donc de l'épuisement de celui-ci, même en cas de téléchargement. Il faut donc dissocier les deux types d'oeuvres de l'esprit.
Pascal Reynaud
20/12/2019
(Commentaire de l'article 17 de la Directive sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique)
La directive « Commerce électronique » de 2001 limite fortement la responsabilité des hébergeurs de contenus téléchargés vers ses serveurs (upload) dans son article 14.
Selon celle-ci, l'hébergeur doit décider s'il maintient ou retire le contenu dénoncé par des tiers.
Il n’engage sa responsabilité que s’il maintient un contenu illicite en ligne.
Avec le Web 2.0 la notion d'hébergeur s'est trouvée considérablement élargie à de nombreux intermédiaires bien éloignés de l’hébergement informatique stricto sensu (Google, eBay, YouTube, Dailymotion…).
La directive sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique permettra peut-être de mettre en cause plus facilement la responsabilité des sites de partage de contenus. Cette directive est applicable à partir du 7 juin 2021.
Son article 17 met en place une sorte d'obligation de négocier avec les ayants droit et tend à empêcher a priori la mise en ligne de matériaux contrefaisants et non plus simplement à mettre fin à une mise en ligne déjà effectuée.
Le site de partage doit prouver qu'il a fourni ses « meilleurs efforts » pour garantir l'indisponibilité des œuvres et assuré ce maintien. Toutefois, les start-up bénéficient d’un régime allégé.
La nouvelle Directive « Marché numérique » écarte la directive « Commerce électronique » concernant spécifiquement le droit d’auteur et les droits voisins en prévoyant un régime principal visant les grands sites de partage, par exemple les GAFA (1) et un régime adapté aux start-up (2).
Le texte vise les sites de partage qui donne accès à une quantité importante de contenus protégés par le droit d'auteur ou par des droits voisins.
La Directive vient préciser que ne sont pas des fournisseurs de services de partage de contenus en ligne au sens de la directive les prestataires de services tels que :
- Les encyclopédies en ligne à but non lucratif,
- Les répertoires éducatifs et scientifiques à but non lucratif,
- Les plateformes de développement et de partage de logiciels libres,
- Les fournisseurs de services de communications électroniques au sens de la directive (UE) 2018/1972, (ce que l’on appelait les opérateurs télécoms)
- Les places de marché en ligne,
- Les services dans le cloud entre entreprises et les services dans le cloud qui permettent aux utilisateurs de téléverser des contenus pour leur propre usage ».
Si aucune autorisation, sous forme de licence par exemple, n'est accordée par les ayants droit, les sites de partage de contenus en ligne sont responsables des actes non autorisés de communication au public, sans toutefois mettre à leurs charges une obligation générale de surveillance (art.17.8).
Si une autorisation est donnée, l'accord passé avec les titulaires de droits couvre non seulement la diffusion faite par l'exploitant de la plateforme, mais encore la communication qui pourrait d'abord être reprochée à ces utilisateurs, sauf si ces derniers agissent dans un but lucratif (art. 17.2, considérant 69).
Mais surtout, l'article 17.4 met à la charge du fournisseur de services une vaste obligation dont les contours sont bien incertains afin de ne pas engager sa responsabilité.
Il s’agit d’une sorte de clause d’objectifs (faire ses meilleurs efforts) pour le site de partage dont le juge devra vérifier la mise en œuvre en cas de contentieux…
Le résultat concret une impossibilité de prévoir avec une relative certitude avant l’action judiciaire si le site de partage peut engager sa responsabilité.
La directive indique que les fournisseurs de services sont responsables des actes non autorisés de communication au public :
« à moins qu'ils ne démontrent que :
a) ils ont fourni leurs meilleurs efforts pour obtenir une autorisation ;
et
b) ils ont fourni leurs meilleurs efforts (…), pour garantir l'indisponibilité d'œuvres (…);
c) ils ont agi promptement, dès réception d'une notification suffisamment motivée de la part des titulaires de droits, pour bloquer l'accès aux œuvres (…) et empêcher que les contenus soient téléversés dans le futur ».
L'article 17.5 donne un guide pour comprendre cette nouvelle obligation :
« Pour déterminer si le fournisseur de services a respecté les obligations qui lui incombent en vertu du paragraphe 4, et à la lumière du principe de proportionnalité, les éléments suivants sont, entre autres, pris en considération :
a) le type, l'audience et la taille du service, ainsi que le type d'œuvres ou d'autres objets protégés téléversés par les utilisateurs du service ;
et
b) la disponibilité de moyens adaptés et efficaces et leur coût pour les fournisseurs de services ».
Tout cela est très peu précis : il s’agit de vagues objectifs qui conditionnent la responsabilité des sites de partage. L’incertitude générée par ce nouveau texte n’est ni favorable aux ayants droit ni aux sites de partage.
La Directive réserve le jeu des exceptions au droit d’auteur qui continuent de bénéficier au public.
Cependant la liste incomplète des exceptions visées par le texte n’est pas satisfaisante (art. 17.7). Sans doute faut-il considérer que l’ensemble des exceptions reste applicable en droit français, même sur les sites de partage …
À titre d’exception, l'article 17.6 vise :
- Les sites de partage de contenus en ligne dont les services ont été mis à la disposition du public dans l'Union depuis moins de trois ans,
et
- qui ont un chiffre d'affaires annuel inférieur à 10 millions d'euros.
Avec une spécificité pour les sites dont le nombre moyen de visiteurs uniques par mois de tels fournisseurs de services dépasse les 5 millions, calculé sur la base de l'année civile précédente.
Les start-up n'ont pas à démontrer qu'ils ont fourni leurs meilleurs efforts pour assurer l'indisponibilité des contenus litigieux. Ils ne sont pas soumis à l’article 17.4. b.
Ils ne sont pas tenus de fournir leurs "meilleurs efforts" pour empêcher qu'ils ne réapparaissent.
Pascal Reynaud
Avocat au barreau de Strasbourg
© 2019
À l'occasion du transfert de la majorité du capital de la Française Des Jeux (FDJ) au secteur privé, le Gouvernement a modifié la législation sur les jeux d’argent et de hasard.
L’Ordonnance n° 2019-1015 du 2 octobre 2019 réformant la régulation des jeux d'argent et de hasard (ci-après l’ordonnance) poursuit un objectif de lisibilité et de simplification du droit. Celle-ci contient 51 articles que l’on peut résumer comme suit.
C’est d’abord une codification dans le code de la sécurité intérieure (CSI) des grands principes du droit des jeux d’argent. La codification consiste ici à regrouper, à consolider et à structurer dans le CSI, des éléments épars de normes juridiques existantes. En effet, le droit antérieur souffrait d’une superposition de textes dont la logique d’ensemble était discutable… Cette ordonnance vient aussi préciser certaines dispositions législatives applicables au secteur.
Les articles 1 à 6 de l’ordonnance sont relatifs aux grands principes applicables au secteur des jeux d'argent et de hasard et rentreront en application au 1er janvier 2020. Globalement, ces articles ne modifient pas en profondeur le périmètre des jeux légaux et interdits.
En particulier, l'article 2 de l’Ordonnance réaffirme le principe de prohibition des jeux d'argent et de hasard. Il définit la notion générique « de jeux d'argent et de hasard » dans le nouvel article L320-1 CSI.
Toutefois, l’article L 320-1 CSI nouveau reprend la définition bien connue de la loterie prohibée figurant anciennement à l’article L322-1 CSI (abrogé au 1er janvier 2020) (pour aller plus loin).
L’article 320-2 CSI nouveau précise les dérogations à ce principe de prohibition au travers des jeux relevant de droits exclusifs (FDJ), d’autorisation (casinos) et d’agréments (jeux en ligne).
Les articles 320-3 CSI et 320-4 nouveaux confirment les objectifs de la politique de l'État dans le secteur ainsi que les objectifs des opérateurs de jeux d’argent et de hasard.
L’article L.320-5 CSI nouveau établit une nouvelle distinction entre jeux d'argent et de hasard en ligne et en réseau physique de distribution.
L’article L.320-6 donne la liste quasi exhaustive des jeux d'argent et de hasard qui peuvent être autorisés en droit français.
Les articles L320-7 et 320-8 CSI nouveau confirme l'interdiction des jeux d’argent aux mineurs. Au titre des nouveautés, l'ordonnance interdit aussi l'offre à titre gratuit de jeux d'argent et de hasard aux mineurs même dans le cadre des exceptions légales (Art. L. 320-8 CSI nouveau). Deux exceptions à cette interdiction sont précisées. L’une était déjà connue à savoir la possibilité de participer à des jeux dans les fêtes foraines, des jeux caritatifs et des lotos traditionnels. La seconde est une précision bien venue, à savoir la possibilité pour les mineurs de participer aux loteries publicitaires régies par le Code de la consommation.
Cette ordonnance enrichit les dispositions pénales applicables en la matière au travers d’infractions nouvelles.
Anciennement, le CSI distinguait les sanctions pénales applicables aux casinos et aux loteries.
Désormais, le chapitre IV consacré aux sanctions pénales contient :
D’une manière générale, les articles L324-1 CSI et suivants renforcent les sanctions administratives et pénales existantes. Ces articles contiennent des infractions nouvelles.
Concernant les dispositions communes à l’ensemble des jeux de hasard et d’argent, une nouvelle infraction concerne le fait de permettre à un interdit de jeux de participer à un jeu d’argent ainsi que de lui adresser une publicité (amende 10 000 € art. 324-5 CSI nouveau).
Autre nouveauté, Il est aussi puni d'une amende de 100 000 euros le fait, pour un opérateur de jeux d'argent d'établir un nouveau point de vente exploitant un poste d'enregistrement de jeux de loterie ou de jeux de paris sportifs près d’une enceinte scolaire dans un périmètre déterminé par l’administration ainsi que de permettre un accès direct aux dispositifs de jeu sans intermédiation humaine à un joueur dont l'identité et la date de naissance n'ont pas été préalablement vérifiées (amende 100 000 € art.L324-6 CSI nouveau) .
Concernant le non-respect des obligations relatives aux communications commerciales, à savoir le message de mise en garde obligatoire, l’interdiction de la publicité à destination des mineurs, l’interdiction de la publicité autour des établissements scolaires (L. 320-12 et L. 320-14 CSI nouveau) est maintenant puni d'une amende de 100 000 euros (art. L324-8-1 CSI nouveau).
L’article L 324-8 CSI nouveau interdit le jeu à crédit. Cette interdiction figurait déjà à l’article 30 de LOI n° 2010-476 du 12 mai 2010. Cette interdiction est maintenant punie de 150 000 euros d'amende. La publicité dans ce domaine est punie de 75 000 € d’amende (Article L324-8 CSI nouveau).
L’article L 322-12 nouveau interdit expressément l’exploitation commerciale sous quelque manière que ce soit des jeux et des résultats de la FDJ sans l’autorisation de cette dernière. Toute atteinte à ce monopole est punie de 7 ans d’emprisonnement et 500 000 € d’amende (art. L324-11 CSI nouveau). Le réseau de distribution de la FDJ est donc protégé.
Les autres éléments nouveaux résident principalement dans les conséquences de la privatisation de la FDJ. Ces modifications n’impactent pas directement le périmètre des jeux d’argents légaux et illégaux en droit français.
Mais l’organisation et le contrôle par l’État du secteur des jeux d’argent légaux s’en trouvent modifié. Les articles 7 à 9 de l’ordonnance définissent les jeux, catégories de jeux et gammes de jeux sous droits exclusifs confiés à La Française des jeux (FDJ), à savoir les jeux de répartition et de contrepartie, les jeux de tirage, et les jeux instantanés, que ce soit en réseau physique ou en ligne (art. L322-8 et suivants CSI nouveau). Il existe un débat sur la définition et la limitation des jeux accessibles sur les bornes placées par la FDJ dans son réseau physique de distribution. À l'heure actuelle, les casinos craignent une concurrence accrue de la FDJ.
Pour aller plus loin sur le cadre général des jeux d'argent et de hasard, consultez notre article publié ici.
Pascal Reynaud
reynaud.avocat@gmail.com
Depuis quelque temps, un email (spam) avec une adresse du type "Direction@FDJLoterie.onmicrosoft.com" annonce qu'un certain Me RAYNAUD ou REYNAUD (huissier) aurait validé un jeu associé à la FDJ du type loto ou millionnaire...
Il s'agit probablement d'une escroquerie pour que vous rappeliez un numéro surtaxé.
Je suis au courant, mais je ne peux rien faire contre des opérateurs basés à l'étranger et je n'ai aucun monopole sur le nom REYNAUD ...
Pascal Reynaud
Le Conseil constitutionnel a validé la privatisation de la FDJ dans une décision du 16 mai 2019. (Loi Pacte - voir article 137)
Il constate d'une part que la FDJ n'est pas en position de monopole de fait dans le domaine des jeux d'argent.
D'autre part, même en cas de privatisation de la FDJ, celle-ci reste soumise au cadre légal visant à limiter et à encadrer l'offre de jeux d'argent dans un objectif de santé publique.
En conséquence, le paragraphe III de l'article 137 de la loi PACTE ne méconnaît aucune exigence constitutionnelle. Il est donc conforme à la Constitution et la loi peut être appliquée.
Pascal Reynaud
17 mai 2019
Un parieur peut-il engager la responsabilité civile d'un sportif et de son club lorsque le résultat de la compétition a été influencé par la faute dudit sportif ?
La Cour de cassation estime que seul un fait ayant pour objet de porter sciemment atteinte à l'aléa inhérent au pari sportif est de nature à engager la responsabilité d'un joueur et, le cas échéant, de son club, à l'égard d'un parieur (C. Cass.2e Ch. civ, 14 juin 2018, n° 17-20.046).
La faute du sportif était ici un but inscrit en position de hors-jeu à la fin du match. Cette faute a empêché le parieur de gagner une somme évaluée à 375 000 €.
C'est insuffisant pour engager la responsabilité du club et du joueur pour le manque à gagner du parieur.
Il aurait fallu que le sportif ait conscience d'influencer le résultat des paris.
Il s'agit principalement de l'hypothèse des matchs truqués qui seraient susceptibles de créer un droit à indemnisation au bénéfice du parieur.
La responsabilité du club sera donc difficile à engager sauf à prouver un tel trucage...
Pascal Reynaud 8/11/2018
reynaud.avocat@gmail.com
Le château de Chambord figurait dans une publicité pour les Brasseries Kronenbourg.
Fallait-il avant 2016 demander l'autorisation et payer environ 250 000 € pour reproduire ce fameux château?
Cette question de principe était débattue depuis quelques années pour le domaine public.
Pour le domaine privé, la question avait été tranchée négativement par un arrêt de la Cour de cassation du 7 mai 2004. Le propriétaire d'un bien n'a pas de droit sur l'image de celui-ci sauf s'il arrive à prouver un préjudice particulier du fait de l'utilisation de la photo.
Le Conseil d'État répond aussi par la négative :
"L'autorité administrative ne saurait, en l'absence de disposition législative le prévoyant, soumettre à un régime d'autorisation préalable l'utilisation à des fins commerciales de prises de vues d'un immeuble appartenant au domaine public, un tel régime étant constitutif d'une restriction à la liberté d'entreprendre et à l'exercice du droit de propriété"
Depuis 2016, et par exception, seul le domaine national bénéficie d'une protection, sur la base de l'article L. 621-42 du code du patrimoine.
Le château de Chambord fait maintenant partie du domaine national. Mais c'est loin d'être le cas de l'ensemble des biens du domaine public.
Hors le droit d'auteur de l'architecte cédé à l'administration, l'éventuelle marque figurative reprenant l'immeuble ou le meuble, et maintenant l'appartenance au domaine national du bien figurant sur la photo, l'administration ne peut exiger de redevance pour la simple prise de vue du bien, même dans un cadre publicitaire ou dans la vie des affaires.
La question est particulièrement importante à l'heure du développement du merchandising par les collectivités locales...
Pour aller plus loin :
Conseil d'Etat, Ass., 13 avril 2018, Domaine national de Chambord c/ Brasseries Kronenbourg